Geneviève Robin

Le théâtre pour parler de la place des femmes.

La fondatrice de la compagnie Paris-Atlantique met son art et son énergie au service de la cause féminine.


Metteur en scène (elle ne tient pas à la féminisation du titre) de la compagnie brestoise Paris-Atlantique, Geneviève Robin adapte, pour la troisième année, les Monologues du Vagin, d’après Ève Ensler. Les 18 et 25 mars, près de soixante femmes citoyennes, de tous les âges et de tous les milieux, vêtues de noir et d’un foulard rose, vont se relayer sur les planches du Mac Orlan à Brest, et du théâtre Max Jacob à Quimper, pour lire des textes sur l’intime. Une partie de la recette des deux soirées sera versée à des associations d’aide aux femmes.

Un livre regroupant les portraits de ces comédiennes d’un soir, photographiées par Véronique Le Goff, et complété par des témoignages, sera aussi vendu à cette occasion. Les 20, 21 et 22 avril, Geneviève Robin propose également une performance-théâtre, au centre d’art Passerelle à Brest : trente femmes issues des différents quartiers de la ville, ainsi que des comédiennes et des musiciennes professionnelles, adapteront Les folles d’enfer de la Salpêtrière, d’après le livre de Mâkhi Xenakis qui relate l’enfermement des femmes, trouvées en état de démence dans les rues de Paris ou simplement chassées par un mari sans scrupule, de Louis XIV à Charcot.

C’est donc le théâtre qu’a choisi Geneviève Robin pour défendre ses idées. Tout commence il y a une trentaine d’années. Elle s’inscrit au Conservatoire de Rennes, sa ville natale, et part travailler quelques mois à Londres, puis à Paris. Elle devient traductrice de John Strasberg, fils de Lee Strasberg, fondateur de l’Actors Studio de New-York. « Je lui dois beaucoup, il fut un maître pour moi, reconnaît-elle. À partir de là, j’ai commencé à trouver ma voie professionnellement. La littérature, la poésie me passionnaient, et j’étais attirée par le travail de groupe, par la création artistique collective. Le sport aussi est une création de groupe quelque part. Mais le but est de parvenir à un résultat, c’est-à-dire à gagner un match, au contraire du théâtre où il faut surtout apporter sa vision des choses, sa sensibilité ».

Geneviève Robin tient ensuite différents rôles dans des pièces dramatiques pour France Inter et France Culture. Elle fait aussi un peu de cinéma, avant de poser son sac à Brest il y a dix ans. Elle sourit : « j’ai été importée amoureusement par mon mari ! » C’est alors qu’elle fonde la compagnie de théâtre Paris-Atlantique. « J’ai gardé beaucoup de relations dans la capitale. Ce nom, c’était une façon de faire le lien », dit-elle.

intelligence et émotion

La troupe veut se distinguer des autres par son travail autour de la mémoire. Il y a deux ans, Geneviève Robin met en scène, avec succès, Effroyables jardins*. Le livre de Michel Quint espère démontrer que l’on peut à la fois être un soldat et un être humain. « Une pièce de théâtre doit divertir les gens, dit Geneviève Robin, mais elle doit aussi les questionner, fabriquer de l’intelligence et de l’émotion. C’est tout l’intérêt du spectacle vivant. Sinon, autant louer un DVD et rester chez soi. Ce que j’aime dans les Monologues du vagin, ce sont les relations qui se créent entre les femmes sur scène, et entre elles et les spectateurs. » En règle générale, le public qui suit ces lectures est (seulement) composé à 60 % de femmes. « Les hommes savent que l’adaptation se fait sans agressivité, sans acrimonie, répond Geneviève Robin. Ils se reconnaissent aussi. Beaucoup de personnes ignorent la condition des femmes qui souffrent par millions à travers le monde. Par exemple chez nous, en France, tous les quatre jours, une femme meurt sous les coups de son compagnon. C’est affreux ! »

Le matriarcat breton a-t-il laissé des traces dans notre région ? « En Bretagne, par le passé, les femmes ont longtemps commandé le foyer, rappelle Geneviève Robin. Mais elles ont aussi reçu beaucoup de brimades, ou elles ont eu une vie sexuelle compliquée voire inexistante, car réprimandée par l’autorité religieuse ou parentale. Si on interroge une femme qui a vécu cela, elle doit se féliciter aujourd’hui du sort de ses enfants et petits-enfants qui peuvent par exemple aller danser, tout simplement ».

Engagée par le biais du théâtre, la directrice artistique de la compagnie Paris-Atlantique rejette le qualificatif de féministe pour parler de son combat. D’ailleurs, elle ne fait partie d’aucune association militante. Elle préfère utiliser les mots, les gestes, pour faire passer les messages. Annie Baslé, professeur de français en retraite, faisait partie des lectrices des Monologues du vagin, en 2004 et 2005, et elle en garde d’excellents souvenirs. « Ce fut une expérience très heureuse, dit-elle. J’avais un trac fou la première année. Ensuite, l’enthousiasme l’a emporté ». Le sourire d’Annie Baslé illumine la couverture du recueil de photographies Lecture des Monologues du vagin qui sera vendu les 18 et 25 mars. « J’ai beaucoup d’estime pour Geneviève Robin, dit-elle. Elle est d’une qualité rare. Quand je l’ai rencontrée, le contact fut immédiat et sans détour. Elle est directe et diplomate en même temps, et très respectueuse des personnes. J’adopte à 100 % la cause qu’elle défend ».

Cette année, trois femmes politiques liront sur scène les textes d’Eve Ensler, dont Patricia Adam. Ce n’est pas la première fois que la députée socialiste de Brest et conseillère générale monte sur les planches sous la direction de Geneviève Robin. « L’égalité des droits entre les hommes et les femmes a toujours été mon combat politique, justifie Patricia Adam. Geneviève n’a pas eu à me convaincre, elle nous a permis à toutes de partager un moment merveilleux d’humanité fait de joies sincères entre des femmes de tous horizons. Elle a su trouver chez chacune d’entre nous la passion. Nous nous sommes laissées guider en toute confiance ».

Le don de soi, la comédienne aux cheveux châtains l’a aussi cultivé en 1999, lorsque Marcel Kerbourc’h, directeur de l’agence de communication Copilote, préparait la première édition du feu festival de cinéma de Bénodet. « Pendant six mois, chaque mardi, Geneviève Robin est venue nous aider bénévolement. Elle était responsable du jury », se souvient celui qui l’accompagne aujourd’hui, en qualité de mécène (homme), dans l’aventure des Monologues du vagin sur Quimper. Admiratif, Marcel Kerbourc’h ? Certainement ! « Derrière ses bonnes manières, souffle-t-il, c’est une fille combative, qui s’accroche. Ce n’est pas une rêveuse. Elle marque des buts et sait manager ses troupes. C’est une vraie pro ! Elle ne fait pas semblant et n’a pas la grosse tête ».

Erwan Nicolas Jacquin, administrateur de la compagnie Paris-Atlantique, dresse le même constat, avec un petit bémol. « C’est une femme d’une énergie impressionnante, dit-il. Elle a beaucoup de tact et de distinction. Mais elle fait aussi preuve d’une ténacité hors pair. Cela peut être difficile pour mener à bien certains projets : elle est rapide et impatiente, et peut passer à côté de certaines choses ».

Il n’empêche que chez Geneviève Robin, l’ouverture est bien un art de vivre. Son appétit de « créer du lien », comme elle dit, se devine aussi quand elle reçoit des amis à déjeuner, dans sa maison à Plouguerneau. Elle avoue avoir du goût à « nourrir les autres et à partager un repas ». Sa recette préférée ? Le lieu de ligne, acheté au cul du bateau, nappé d’une sauce hollandaise faite maison, le tout accompagné de pommes de terre, biologiques de préférence. Et pour faire passer tout ça, une balade sur les sentiers côtiers, devant le phare de l’Île Vierge, s’impose toujours naturellement.

Avec l’aimable autorisation de Christophe Pluchon finisterehebdo.com